Au revoir et à bientôt

La Corse commence aujourd’hui à célébrer le 80ème anniversaire de sa libération par les Alliés. Il y a exactement 80 ans, le 4 septembre 1943, la Résistance recevait un message l’avertissant d’un débarquement prochain. Un mois plus tard, les combats avaient cessé sur l’ensemble de l’île de Beauté, enfin libre.

Parmi les invités d’honneur aux célébrations, un officier de marine portera le poids d’une histoire et d’un nom. Ce commandant de sous-marin, y représentera un navire qu’il aura, juste quelques jours auparavant, amarré à un quai de Cherbourg pour entamer sa déconstruction : le SNA Casabianca. Devoir de mémoire : le premier sous-marin de ce nom et son équipage ont joué un rôle déterminant dans la lutte des Corses pendant la Seconde Guerre mondiale. Commandés par le commandant L’Herminier, ils avaient forcé le blocus du port de Toulon en novembre 1942 pour rejoindre les forces alliées, avant de multiplier les opérations de soutien à la résistance de l’île de Beauté, apportant agents, armes et munitions. Jusqu’à septembre 1943 où ils y débarquent 109 commandos du 1er bataillon de choc. Les sous-mariniers connaissant l’exiguïté des submersibles comprendront ce que signifie d’avoir à bord, en plus de l’équipage, 109 hommes et leur équipement de combat… Un exploit. L’Herminier est devenu un héros. Son sous-marin une légende, bâtiment décoré de la Croix de guerre 1939-1945, de la médaille de la Résistance française et de la Légion d’honneur. Un tel navire ne pouvant pas vraiment disparaître de la flotte française, la Marine avait décidé de perpétuer l’hommage en conservant un sous-marin à ce nom. Le prochain, dont la construction a déjà commencé, est prévu à la mer en 2029.

Christophe Agnus

Sinon…

« Un jour en mer » est ici: https://nautilus-editions.com/produit/unjourenmer/

Hommage à une grande dame belge

Normalement, je fais relâche de la lettre en août… Mais je ne pouvais laisser passer le message reçu d’un abonné, Charles Leten, membre du Royal Belgian Sailing Club de Zeebrugge. Il m’a signalé que, ce mois d’août, ils allaient fêter les 70 ans du retour de Omoo,  avec à son bord Louis et Annie Van de Wiele, après un Tour du Monde terminé le 2 août 1953.  Qui n’a pas lu « Pénélope était du voyage »,  devenu un classique de la littérature nautique, écrit par Annie Van de Wiele, sans doute la première femme à avoir effectuer un tour du monde à la voile?

Alors je vous propose quelques photos en hommage, et le lien du Yacht Club si vous souhaitez les contacter pour en savoir plus.

https://www.rbsc.be/fr/clubs/zeebrugge

Christophe Agnus

La tempête secrète

Pour les photographes, saisir l’image d’un voilier dans la tempête est complexe. Surtout au large. Il faut être en avion ou en hélicoptère. Et pas trop loin de la côte non plus. Quand la photo est prise à bord, il est souvent difficile de donner la mesure de la vague qui s’annonce, du vent qui hurle, des voiles qui claquent. Plus les conditions sont difficiles, plus l’exercice est complexe, comme ici lors de la Volvo Ocean Race 2001. Ce qui est vrai des photographes l’est aussi pour les écrivains. Quels seront les mots assez forts ? Comment aussi ne pas se tromper quand on n’a pas, soi-même, vécu des moments extrêmes ? Pour raconter un ouragan dans un roman, j’ai appelé Isabelle Autissier, la grande navigatrice, et Jean-Yves Bernot, expert météorologue. Et ce dernier m’a donné, outre des informations précises, un seul conseil : « relis Typhon, de Joseph Conrad ». Le grand écrivain de langue anglaise, né en Ukraine, ancien officier de marine marchande, y décrit une mer jetant sur le navire des lames d’un autre monde, comme pour régler son compte à ce visiteur dont elle ne veut pas : « Dans leur acharnement, on sentait de la haine, de la férocité dans leurs coups. On eût dit une créature vivante en proie à une foule enragée, victime offerte, brutalisée, bousculée, culbutée, roulée à terre et piétinée ». Des pages extraordinaires. Mais, à l’avant-dernière phrase du roman, une conclusion : « Il y a des choses, voyez-vous, qu’on ne trouve pas dans les livres ». Et ces tempêtes-là ce sont les marins qui les gardent dans leur mémoire et parfois même leur chair. En silence. Parce qu’elles sont impossibles à raconter. Quand les superlatifs ne suffisent pas, se taire est le meilleur choix.

Christophe Agnus

Photo Rick Tomlinson Electronic Image / Volvo AB

L’inconnue des grands fonds 

La mer est un océan d’émotions. Il y a le plaisir pur de la glisse du surfeur, la plénitude du marin au large par vent paisible, l’abandon du plongeur se laissant porter par le courant 20 mètres sous la surface. Mais on pense rarement à l’excitation du chercheur découvrant une espèce encore non-répertoriée. Celle de la photo a été vue dans la fosse de Java, dans l’océan Indien, près de Sumatra, par plus de 7 000 mètres de fond, lors de l’expédition Five Deeps de l’Américain Victor Vescovo. Au début, les scientifiques ont cru avoir à faire à une étrange méduse, à la forme peu ordinaire. Puis, après quelques recherches, ils ont penché pour une ascidie, un groupe présent dans toutes les mers du monde et comptant aujourd’hui plus de 2 300 espèces identifiées. Mais pas celle-là. Car ce sont normalement des animaux vivant fixés sur un support, quel qu’il soit. Or, ce spécimen se laissait glisser tranquillement sur le fond. Libre. Avec, au bout de son appendice, ce qui leur a semblé être… sa progéniture. Les ascidies étant hermaphrodites, il pouvait bien errer, solitaire, sans s’inquiéter de sa reproduction. Mais aussi émouvant que l’image, tirée d’une vidéo, ce sont les réactions des chercheurs découvrant cela qui m’ont touché. Du bonheur à l’état brut. Des cris de joie. À ce moment précis de leur expédition, ils savaient pourquoi ils avaient embrassé la recherche scientifique, pourquoi ils étaient partis au large, loin de leur famille, de leurs amis. Et, pensant aux millions d’espèces encore inconnues dans les océans, je me dis qu’il y a encore des millions de cris de bonheur à aller chercher, dans cette gigantesque forêt de 3 800 mètres de hauteur moyenne et couvrant 70,8 % de notre planète : la mer.

Christophe Agnus

Photo Five Deeps Expedition

Gallus gallus maritimus 

Quand on interroge les biologistes, ils estiment que le nombre d’espèces inconnues en mer se situe entre un et dix millions. Mais aucun n’a jamais pensé à Monique. La poule. L’oiseau, connu dans les fermes comme Gallus gallus domesticus, qui a accompagné Guirec Soudée dans sa navigation sur son voilier Yvinec, à partir de 2014. Une véritable histoire d’amitié. Pour elle, le jeune Breton a fait de la prison au Canada et renoncé à rejoindre Tahiti où la grippe aviaire frappait. En retour, elle l’a empêché de devenir fou lors des 130 jours d’hivernage en autarcie au Groenland, assurant une ponte quasi quotidienne quand il n’arrivait pas à pêcher à travers la banquise. La poule s’était parfaitement adaptée au rythme et aux mouvements du bateau, traversant l’Atlantique, découvrant les Antilles comme les glaces polaires, gagnant même le droit de porter un anneau d’or à l’oreille gauche en devenant cap-hornière. Un privilège auquel elle renoncera, sans doute pour absence de lobe… L’oiseau développera aussi une relation étonnante avec son ami humain qui l’initiera au paddle et au surf. Impossible cependant pour Guirec Soudée d’embarquer Monique pour la Route du Rhum, course en solitaire. Monique était donc restée à terre, avec des copines à plumes qu’elle acceptait de fréquenter, même si elle connaissait sa différence. Mais une poule n’est pas éternelle, et l’amie du marin est décédée il y a quelques semaines maintenant, après neuf années d’amitié avec le navigateur. Elle laisse derrière elle une très belle histoire de mer, et un mystère scientifique : et si Monique était la seule représentante d’une espèce nouvelle et déjà disparue, Gallus gallus maritimus ?

Christophe Agnus

Photo Guirec Soudée Adventure

La mauvaise réputation

Quand les phares étaient encore habités (aujourd’hui, il ne reste que Cordouan, dans l’estuaire de la Gironde), les gardiens du feu utilisaient des surnoms pour les différents lieux d’affectation : « enfer » pour ceux isolés au large, « paradis » quand c’était sur une terre. Inauguré en 1875, le phare de Tévennec, situé pourtant à cinq kilomètres de la côte et de la pointe du Raz, n’était béni ni par Dieu, ni par le Diable : ils l’appelaient « purgatoire ». Et, très vite, ils y ont décelé le souffle de l’Ankou, devinant dans celui d’un tunnel sous-marin passant à travers la roche, le cri d’un marin naufragé, mort sur les rochers quelques années avant le début de la construction. Le premier gardien démissionna après cinq mois de présence. La vie y était aussi difficile que l’accès – et donc le ravitaillement… – et 23 gardiens vont s’y succéder en 35 ans. Avant que cela devienne le premier phare automatisé de France en 1910. L’imagination de l’écrivain Charles Le Goffic, dans les années 30, fit le reste. Pour les besoins d’un roman, il y situa des crises de folie, des suicides, des meurtres, et même un prêtre exorciseur. Et quand la légende est plus belle que la réalité, c’est la légende qui prime : Tévennec devint le « phare maudit » et les inventions de Le Goffic continuent à passer pour la vérité. Coincée sur son rocher, en veille sur le raz de Sein, la construction avait toutefois souffert des 113 ans de solitude. Un grand chantier de rénovation a donc été lancé, le toit sera changé, un nouveau plancher de chêne posé. En espérant que la remise en état n’attirera pas le nouveau fléau des demeures aux vues imprenables : Airbnb… 

Christophe Agnus

Photo Benoît Stichelbaut –www.stichelbaut.com


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La fragilité des géants

Les apparences sont souvent trompeuses. Mais pas ici : le poisson est bien énorme. Sans avoir les dimensions précises de celui de la photo, il appartient à une espèce pouvant atteindre 20 mètres de long et 34 tonnes. Rhincodon typus. Plus connu sous son nom commun de requin-baleine. Mais un squale géant pourtant totalement inoffensif, sauf pour de toutes petites proies de moins de 10 centimètres de long, et surtout du krill ou du plancton. L’homme peut donc approcher sans risque, et c’est bien le problème de cet animal majestueux dont la population aurait baissé de 50 à 70% en soixante-quinze ans : malgré son classement dans la liste des espèces menacées, il continue à être péché illégalement, notamment pour ses ailerons. L’animal n’est pourtant pas qu’un symbole majestueux de la vie océanique et le plus grand poisson de notre planète, ce qui suffirait déjà pour lui devoir un profond respect : il joue un rôle important dans la chaîne alimentaire et même le cycle du carbone. D’où le travail de d’une association comme Over the Swell, dont l’un des membres est ici en train d’identifier un individu dans l’océan Atlantique Sud-Est. Leur souhait : étudier cet animal sur lequel on en sait si peu pour pouvoir mieux me le protéger, en associant les populations locales qui connaissent également très mal ces grands requins paisibles. Leur rêve : obtenir un couloir de protection entre le golfe de Guinée et l’île de Sainte-Hélène, où des requins-baleines semblent se regrouper souvent, pour une raison encore mystérieuse. A moins qu’ils aient compris, ce qui serait tragique, que c’est bien à hauteur de cette île de l’Atlantique que s’éteignent les géants ?

Christophe Agnus

Photo Over the Swell  / https://www.overtheswell.com/

Les champions dans l’écume

Les résidents des villes de bord de mer ont souvent la chance d’apercevoir, au large, des petites voiles qui se pourchassent à grande vitesse. Qu’il pleuve ou vente fort, elles sont là, sans relâche. Et, à bord, des régatiers qui tentent de maitriser au mieux leur bateau ou leur planche à voile pour aller toujours plus fort, toujours plus vite, toujours plus haut, comme sur cette photo prise lors de la Semaine Olympique Française Hyères 2023. Leur graal : les championnats d’Europe, du Monde et bien sûr, les « Jeux ». Dans les milieux nautiques, on parle d’ailleurs de « voile olympique » pour désigner cette famille de marins obsédés par le détail faisant gagner un dixième de nœud ou de seconde. Ceux qui les ont vu s’entraîner, sur l’eau ou dans les salles de musculation, savent ce qu’il faut de volonté farouche, de constance et de talent pour arriver au sommet de cette discipline. D’autant que, pour les Jeux, les pays n’ont le droit qu’à un seul participant par régate… Si les deux meilleurs du monde sont français, le n°2 restera à terre. Injuste ? C’est la règle. Elle est dure. Alors tous les regards se tourneront vers ceux qui afficheront les couleurs bleu-blanc-rouge. En espérant qu’ils rapporteront de l’or… Et si j’en parle aujourd’hui, c’est pour saluer ces champions et championnes hors du commun, que l’on retrouve souvent, ensuite, dans les meilleurs équipages de la Coupe de l’América, là où l’exigence est extrême, le niveau stratosphérique. Avant cela, ils auront appris l’humilité. Car qui les connaît ? Qui, dans le grand public, est capable de citer le nom d’un champion olympique de voile ? Jean-Yves Le Déroff, Faustine Merret, Franck David et Aloïse Retornaz, cela vous dit quelque chose ? Des bretons et des médailles d’or. Que, maintenant au moins, vous connaissez.

Christophe Agnus

Photo Sailing Energy / Semaine Olympique Française

La pluie en mer

De grosses gouttes, lourdes, frappent la surface des flots en la creusant pour faire de la place. Image fascinante de l’eau accueillant l’eau. Le salé acceptant sa dilution. Mais la pluie, en mer, a de multiples significations. Pour le régatier, elle est souvent celle qui apporte la note discordante, rendant la manœuvre désagréable, augmentant l’inconfort du rappel. Le navigateur au long cours, lui, y voit une occasion de tout nettoyer, parfois même de se doucher à l’eau douce quand le naufragé bénit ce ciel qui lui donne de quoi survivre. Tombant dru à la verticale, elle écrase le sommet du clapot, offrant une surface plus lisse à l’étrave du navire qui peut se glisser sur un océan bruyant de ces petites frappes de tambour. Quand le vent trop fort l’accompagne, elle agresse ce qui s‘interpose, volant presque à l’horizontale avant de rebondir sur l’écume. Jamais elle ne laisse le vrai marin indifférent. Car la pluie et la mer ne sont qu’une même famille se séparant le temps d’une évaporation et d’un nuage pour mieux se retrouver après l’orage. Naviguer, c’est flotter sur de la vieille pluie qui attend d’être rajeunie par la première venue, en veille attentive dans les cumulonimbus. Le ciré ou la veste étanche, éléments essentiels du sac de marin, ne sont pas seulement pour les projections salées : autant être prêt à la recevoir pour ne pas la subir. Voire même l’apprécier, en faire un élément de notre vie sociale maritime, comme le grand Bernard Moitessier qui écrivait :  “J’écoute la mer, j’écoute le vent, j’écoute les voiles qui parlent avec la pluie et les étoiles dans les bruits de la mer et je n’ai pas sommeil.”

Christophe Agnus

Photo Photo Nata Mostova


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Bandits miséreux de haute-mer

Au début du 18e siècle, le nom d’Olivier Levasseur, un ancien corsaire calaisien tourné forban et surnommé La Buse, terrorisait les marins de commerce dans l’océan Indien, dissimulant un prodigieux trésor avant d’être pendu haut et court à La Réunion. S’ils étaient, à l’époque, plusieurs milliers à écumer les mers, il est difficile de les compter aujourd’hui. Car l’actualité nous rappelle régulièrement que, même si l’or et les pierres précieuses ne sont plus transportés par voie maritime, les flibustiers n’ont pas disparu. Mais ceux qui attaquent parfois les navires marchands dans le détroit de Malacca, le long des côtes somaliennes ou dans le golfe de Guinée ressemblent rarement à Johnny Depp dans «Pirates des Caraïbes». Aucun glamour chez ces bandits en short et tee-shirts déchirés, souvent d’anciens pêcheurs poussés au désespoir par la disparition du poisson ou la pollution des côtes, qui voient des richesses passer devant eux, et veulent y prendre leur part. Ils n’ont parfois pas le choix, enrôlés de force par de véritables truands qui savent, eux, revendre des cargaisons volées ou comment négocier avec une assurance et un armateur. Levasseur, reconverti en pilote d’un port de Madagascar, fut reconnu et arrêté en 1729 par le capitaine d’un vaisseau de la compagnie des Indes. Aujourd’hui, ce sont les marines militaires qui veillent de plus en plus. Sur la photo, ce boutre est arrêté par un navire de l’US Navy au large de la Malaisie. Fin mars 2023, le patrouilleur de haute mer Premier L’Her de la Marine nationale se portait lui au secours d’un tanker dans le golfe de Guinée. Une vigilance qui durera aussi longtemps que la misère des populations côtières. 

Christophe Agnus

Photo U.S. Navy photo /Michael Sandberg


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