L’image est tragique : les restes du Titan, le submersible qui a implosé le 18 juin 2023 alors qu’il descendait vers le Titanic, avec cinq personnes à bord, dont le Français Pierre-Henri Nargeolet, expert absolu du grand paquebot comme des plongées profondes. Au-delà de l’enquête sur la responsabilité du constructeur du sous-marin, cet accident démontre une fois de plus que les grands fonds sont un domaine particulier de notre planète : très difficiles à explorer, dangereux, immenses (335 millions de kilomètres carrés, soit 80 fois l’Union Européenne, 65% de la surface de la Terre sont au-delà des 200 mètres de profondeur), et parfaitement inconnus… La station orbitale, disent les ingénieurs, est plus simple à construire qu’un submersible capable d’atteindre les grands fonds. Moins de 1% d’entre eux a été observé par l’homme, en direct ou via des caméras portées par des robots. 20 à 25% ont été cartographiés avec un minimum de précision. Les experts estiment en millions le nombre d’espèces qui s’y trouvent et dont nous n’avons pas connaissance. Un univers entier mystérieux, fascinant, et d’une incroyable richesse pour les scientifiques qui pensent pouvoir y trouver des bactéries ou des molécules pour des matériaux nouveaux ou des médicaments, ou simplement pour mieux comprendre notre monde, son origine et son fonctionnement. Mais c’est complexe, onéreux, et moins spectaculaire que d’envoyer une voiture dans l’espace, comme l’a fait un milliardaire adepte de la société du spectacle, et dont j’essaie d’oublier le nom. C’est pourtant notre ultime frontière, si proche de nous, et en même temps si loin. Mais c’est peut-être là, malgré les risques, malgré les difficultés, qu’il faut aussi chercher l’avenir de l’espèce humaine : dans l’océan.
Christophe Agnus
Photo US Coast Guard