Héros mal connus

Il a été l’un des héros de mon enfance : le pilote du port. Celui qui aborde les géants des mers et grimpe à bord par une échelle de corde instable. Qui guide ensuite le navire dans les secrets des fonds remontants jusqu’à une place à quai, où il accoste avec douceur. Ou qui, à l’inverse, le conduit au large en évitant tous les écueils de la zone de navigation puis repasse par l’épreuve de l’échelle de corde pour, d’un bond, retrouver le bateau noir marqué « pilote ». Avec, toujours, le risque de tomber entre les deux coques quand la mer est forte et que la petite pilotine monte et descend au gré des vagues, rendant le transfert périlleux. Le danger, réel, d’un accident atroce, qui fait trembler leur famille. Qui faisait trembler ma famille. Car ce métier mal connu des terriens était celui de mon héros, mon grand-père, ancien capitaine au long cours devenu pilote du port de Brest. Il en parlait peu, pourtant, lui qui contait avec plaisir ses navigations des années d’avant-guerre, jusqu’à San Francisco ou la Nouvelle-Calédonie. Le pilotage ? La prolongation simple de son métier, avec le bonheur de pouvoir dormir chez soi le soir, lui qui, à cause des embarquements au long cours, avait manqué la naissance de ses aînées. Mais c’est dans l’attitude respectueuse des pêcheurs ou autres marins qui le croisaient sur les quais que j’ai compris l’importance de son travail. Eux qui savent l’expertise des pilotes capables de manœuvrer, avec la même efficacité, un petit cargo de 50 mètres le matin puis un pétrolier de 300 mètres l’après-midi. Le cliché d’Ewan Lebourdais ci-dessus leur rend l’hommage qu’ils méritent : celui d’un artiste-photographe à des artistes de la navigation.

Christophe Agnus

Photo Ewan Lebourdais, Peintre Officiel de la Marine
www.ewan-photo.fr

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