La mer garde peu de traces visibles de ses cicatrices. Quatre-vingts ans après le débarquement de juin 1944, rien en surface ne trahit les drames qui se sont produits sur et dans l’océan. Les seuls sous-marins allemands ont coulé plus de 3 000 navires, dont les épaves demeurent dans les fonds marins, accompagnés de 785 U-Boot détruits à leur tour dans cette folie meurtrière. Et c’est sans compter les dégâts causés par les navires de surface et les aviations des deux camps. Plus, bien entendu, les pertes de la guerre du Pacifique. Le total se compte en millions de morts, marins ou passagers. Seules traces visibles, donc, ces casemates, blocs bétonnés également appelés blockhaus (en allemand) ou bunker (en anglais), photographiés ici par Jean-Charles Baupin (abonné de « Un jour en mer »), que l’on croise sur les plages de l’Ouest et du Nord, parties prenantes de ce « mur de l’Atlantique » édifié par le Troisième Reich, sur 4 400 kilomètres du Nord de la Norvège jusqu’à la frontière hispano-française, pour éliminer la menace venue de la mer.
12 247 installations ont été construites pour ce qui devait être, selon la propagande hitlérienne « la fortification la plus importante de tous les temps » capable de « durer 1 000 ans ». Elle n’aura, finalement, que ralenti de quelques jours la progression alliée, mais 10 000 soldats perdront la vie pour en venir à bout.
Quatre-vingts ans plus tard, le vacancier de 2024 ne fait plus vraiment attention à ces blocs de béton couverts de couleurs, supports de travail pour artistes grapheurs. La mer, elle, y vient régulièrement, au fil des marées, grignotant lentement le matériau qui résistait aux bombes. Comme si elle se vengeait de ces humains qui, par folie ou arrogance, ont sacrifié tant des leurs dans ses profondeurs ou sur ses plages.
Christophe Agnus
Photo Photo Jean-Charles Baupin