Il ne faut pas toujours croire les livres d’Histoire. Que peut-on y lire, à propos du Pacifique ? « Les premiers navigateurs à avoir découvert les îles polynésiennes sont des Espagnols (1595) ». Comme si la Polynésie s’était peuplée seule, des êtres humains y apparaissant par magie. Les chercheurs estiment que ses premiers habitants sont arrivés entre le 9ème et le 10ème siècle, en provenance de l’Asie du Sud-est, après avoir sans doute découvert les Fidji, les Samoa ou les Tonga. Leurs navires ? Des pirogues, à une ou deux coques, pouvant dépasser les 30 mètres de long, comme celle vue par le grand James Cook à Tahiti en 1769. Et que savons-nous d’eux ? Si peu. Pas vraiment de noms, de récits, de légendes même pour célébrer ces grands marins, ces explorateurs audacieux qui ont, eux, vraiment découvert les îles du Pacifique, y laissant la meilleure des preuves : des humains. Leur savoir maritime était énorme, comme l’a constaté Cook, toujours, en embarquant un certain Tupaia. Ce dernier lui établit une carte détaillée du Pacifique Sud, permettant à l’Anglais de « découvrir » des îles que Tupaia et bien d’autres connaissaient déjà. Où que se trouvait le navire, il pouvait aussi donner rapidement le cap vers Tahiti, information que les officiers britanniques ne fournissaient qu’après de longs calculs… « Il sait plus de choses sur la géographie des îles situées dans ces mers, sur la production, les lois religieuses et les coutumes de leurs habitants, que n’importe qui d’autre que nous ayons rencontré » écrira Cook après que le scorbut ait vaincu son invité, fin 1770, à 45 ans. Tupaia était de Raiatea, une île désormais française. Il mériterait une statue.
Christophe Agnus
Photo Projet Moana Nui/Adrien Gentil