Pour beaucoup de marins, la mer n’a d’importance que pour la Terre. Celle qui s’écrit avec une lettre majuscule. Celle que l’on guette pendant les nuits de veille, dont on espère la sécurité et le réconfort autant qu’on en craint les parages mortels. Même et peut-être surtout quand ce bout de solide est au bout du monde, là où on attend rien, là où les vents sont violents, l’eau glacée et Neptune en colère. Kerguelen est de ces lieux à la fois magiques et terribles où flotte le drapeau français. En découvrant cet archipel du sud Pacifique, en février 1772, le Breton Yves Joseph de Kerguelen, seigneur de Trémarec et orgueilleux menteur, croit qu’il tient la gloire et la fortune. Sans même poser le pied à terre, il revient à la cour en urgence pour décrire une nouvelle France riche en pâturages et forêts. Le roi, enthousiaste, le félicite et lui confie une nouvelle mission à laquelle il ne s’attendait pas : installer une colonie sur ces îles si bien décrites… Le retour de la seconde expédition ne sera pas à la hauteur de la première : Kerguelen, convaincu de multiples manquements, dont le mensonge, sera condamné à six ans de forteresse et la radiation de l’état des officiers du roi.
Les scientifiques qui, aujourd’hui, travaillent à Kerguelen savent que les êtres humains ne peuvent pas s’y installer vraiment. Et encore moins y développer des cultures et y produire de quoi vivre. Les seuls êtres capables d’y résider confortablement à l’année sont les manchots et les phoques. Eux ont tout compris. Ils partent en mer chercher leur pitance et reviennent à terre pour la sécurité et le réconfort. De vrais marins.
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Photo Etienne Pauthenet