Seuls en mer?

Quand deux navires se croisent en mer, les marins se saluent, d’un simple geste de la main ou d’un mouvement du pavillon. « Pour encore combien de temps ? », ai-je pensé en découvrant l’existence de bateaux « automatiques » : qui, alors, pour soulever sa casquette amicalement ? Je ne plaisante pas. En Norvège, un navire de 80 mètres fait déjà ainsi les navettes entre une usine et le port. En Belgique et au Japon, ce sont des ferries qui circulent de la même manière. Idem en Chine. D’accord : il y a encore un petit équipage. Mais la navigation est bien automatique. Voire réalisée à distance, par des « marins » installés face à une multitude d’écrans, avec la garantie de dîner chez eux. L’intérêt ? Moins de monde à bord, ce sont des bateaux plus petits, donc plus économiques, consommant moins. Et par conséquent, argument massif : moins d’émissions de CO2. 
La recherche scientifique a déjà utilisé des navires 100% autonomes, pour cartographier par exemple un volcan sous-marin sans risquer la vie d’humains. L’armée a aussi, désormais, ses drones, de surface ou sous-marins. Mais l’intelligence artificielle pourrait pousser à aller encore plus loin dans l’automatisation pour des bateaux bien plus importants. La difficulté, comme pour les voitures autonomes, réside encore dans la navigation au milieu d’un fort trafic, dans une forte tempête ou en cas de problème imprévu. Pourtant, les Anglais réfléchissent à une loi permettant qu’un commandant soit à distance. Qu’il « télécommande ». Sans préjuger de l’efficacité de ces systèmes, il risque d’y avoir deux grands perdants : le romantisme et la littérature maritime. Pas sûr que Conrad aurait écrit Typhon s’il n’avait jamais mis les pieds à bord d’un cargo…
Christophe Agnus

Photo VARD

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