Ils ont l’air joyeux, mais ne vous y trompez pas : ce n’est que pour la photo. Les marins du navire de guerre anglais HMS Pandora, en ce début de 20ème siècle, s’apprêtent en effet à effectuer l’un des travaux du bord qu’ils détestaient le plus, tradition centenaire des marines britanniques et américaines : passer le pont en bois à la « pierre sacrée », des grandes dalles de roche graveleuse. Le principe était de rendre le pont parfaitement lisse, doux, propre, au point que, comme l’écrivait le révérend Walter Colton, pasteur dans la Navy, « On pourrait passer un mouchoir dessus sans en salir la blancheur ». Pour les coins et passages étroits, la « pierre sacrée » était remplacée par des « livres de prière », soit la même chose mais en plus petit… Les noms semblaient moins chercher leur origine dans la religion que dans la position, à genoux sur le sol, dans laquelle se faisait ce travail épuisant. Comme des pénitents. Précision : on ajoutait parfois du sable et du sel pour améliorer l’efficacité du travail. Les officiers appréciaient généralement le résultat. Les genoux et dos des marins beaucoup moins. Et on pense à cette phrase du grand écrivain Joseph Conrad, disant : « Il n’y a rien de plus séduisant, de plus désenchantant et de plus asservissant que la vie en mer« . Aujourd’hui, les navires de guerre ne sont plus en bois, et cette corvée a disparu des bateaux de la Marine. Mais d’autres traditions sont apparues, avec leurs devises. Comme celle disant que « Dans la Marine, on salue tout ce qui bouge et on peint le reste ». Le principe reste de garder le bâtiment propre et beau, mais l’évolution est nette : les genoux souffrent moins.
Christophe Agnus
Photo domaine public, photographe inconnu.