On pourrait penser que ce requin a trouvé la recette d’une forme de bonheur. Avec ses dix à douze mètres de long à l’âge adulte, il n’a pas vraiment de prédateur, même s’il peut arriver à une orque ou un requin blanc de s’attaquer à un jeune squale. Et il ne veut de mal à personne, sauf aux planctons, crevettes et autres très petits poissons qui ont le malheur de croiser sa trajectoire. Les humains ? Il les ignore. Même quand ils nagent à proximité, tant qu’ils ne viennent pas l’agacer de trop près, ce qui peut l’amener à sonder pour se mettre hors de portée. Surnommé le requin flâneur par les Britanniques, il passe son temps à se promener à petite vitesse dans les eaux des zones tempérées du globe. Peinard. Le plus souvent seul, mais parfois en groupe allant jusqu’à la centaine d’individus, surtout en période de reproduction : sa version de la sortie en boîte de nuit… Et si les Français l’ont appelé « requin pèlerin », ce n’est pas à cause de sa propension à se déplacer en permanence, dans sa propre quête (de nourriture en l’occurrence), mais à cause de ses membranes inter-branchiales qui rappelait les plis de la pèlerine des marcheurs… D’ailleurs, aucun « Cetorhinus maximus » n’a jamais été repéré ni à Lourdes, ni à Saint-Anne d’Auray. Il aurait été signalé à des associations comme l’APECS, qui travaille depuis des années à mieux connaître ce drôle de pèlerin, malheureusement en voie de disparition. Car j’ai exagéré en disant qu’il n’avait pas de prédateur. Les amateurs de soupes d’aileron lui veulent du mal. Comme certains filets de pêche ou les étraves des bateaux rapides, ce requin nageant presque toujours juste sous la surface. A portée de la seule espèce qui le menace vraiment : l’humain…
Christophe Agnus
Photo Chris Gotschalk.