Il y a des dates que même les marins évitent de passer à bord. Noël en est une. Dans le carré du navire, il manque les enfants, la famille. Et ce n’est pas un jour de repos si les amarres ont été larguées. Pour les pêcheurs, la vie reste au rythme sans fin des traits de chalut dans la lumière blanche de l’hiver, avec l’espérance d’une rentrée les cales pleines avant la fin du mois pour, au moins, fêter le nouvel an à terre. Pour les marins de commerce ou des marines militaires, c’est aussi un jour comme les autres. Il y a le travail, le bateau à mener jusqu’à destination pour les premiers, la mission à accomplir pour les seconds. Même si, parfois, un petit arbre couvert de guirlandes orne la cafétéria du bord. Même si, souvent, quelques cadeaux ont été embarqués pour faire des surprises, bricoler un moment convivial pour essayer d’atténuer la distance avec les siens. En 1955, René-Louis Lafforgue consacrait même une chanson à ce moment si peu aimé des gens en mer :
Ils s’en vont par-delà les vents
Ces marins de la fin décembre
Cherchant au fond des océans
De quoi remplir leur bâtiment
Les mains rongées par la froidure
Les visages lardés de sel
Le sort leur fait la vie bien dure
Et pourtant, ce soir c’est Noël
Noël en mer, sur un bateau
Qu’usent la vague et la bourrasque de l’hiver
(…) Si le destin a du bon sens
S’il a deux sous de complaisance
Qu’il s’arrange pour que demain
La pêche soit comme un levain
Que le vent frappe la voilure
Ramenant comme un arc-en-ciel
Ces marins au port sans blessure
Pour qu’ils puissent goûter Noël.
Christophe Agnus
Photo Christophe Agnus