Mini-Transat, la plus grande

Cette photo a une histoire. Je l’ai prise au large de la Martinique, en 1987. Ce que vous voyez, c’est l’arrivée de Gilles Chiorri dans la Mini-Transat 2007. J’aime la sorte de « V » de la victoire que fait le jeu du soleil dans les nuages. La lumière est douce, il faisait chaud. Mais au-delà de la photo, il y a les souvenirs. Car je suis resté amis avec deux autres participants de cette course. 
D’abord avec la skipper ayant gagné la première étape, qui termina troisième au classement général: Isabelle Autissier. C’était la première course au large de celle qui était alors une ingénieure agronome, spécialisée en halieutique, passionnée par la voile. C’était aussi la première victoire d’une femme dans une étape de course transatlantique. Isabelle aura d’autres « premières » dans sa carrière mais celle-ci  était… la première. Ce que j’aime toujours chez cette femme, c’est aussi qu’elle ne s’est pas « contentée » d’une renommée sportive. Ecrivaine talentueuse (déjà nommée dans la liste pour le Goncourt!), elle est aussi depuis dix ans la présidente active du WWF France et travaille pour préserver l’environnement. C’est une femme incroyable.
Ensuite avec un gamin à peine plus jeune que moi à l’époque. Il avait vingt ans et avait franchi le premier l’arrivée de la seconde étape. Ce qui était exceptionnel car il courrait avec un bateau de série et avait battu des prototypes, supposés plus rapides. Il avait tellement allégé son bateau que tout ce qui lui restait à l’arrivée tenait… dans un seau. Il dormait sur les voiles inutilisées, mangeait des rations de survie, avait coupé la brosse à dents en deux comme l’étiquette de la marque de son ciré pour ne pas transporter des poids inutiles, et jeté par-dessus bord tout ce qui n’était pas indispensable à la bonne marche du bateau. C’est ainsi, par mégarde, qu’il avait balancé… une enveloppe de billets de banque devant servir aux dépenses à terre en arrivant. Il avait fallu se cotiser pour qu’il puisse acheter des chaussures. Son nom: Laurent Bourgnon. Un type adorable qui, quelques mois plus tard, remportera la Solitaire du Figaro. Et quelques années plus tard, la Route du Rhum, deux fois. Et pas seulement: il sera nommé à quatre reprises champion du monde des skippers. Laurent a disparu il y a six ans alors qu’il plongeait en Polynésie. C’était un homme incroyable.
Cette Mini-Transat 1987 restera dans ma mémoire, d’autant qu’elle est ravivée à chaque fois que je vois Isabelle ou que je pense à Laurent. Quant à cette photo, elle avait été publiée en double page dans le magazine Voiles et Voiliers, pour illustrer l’article sur la course. Encore un grand souvenir pour le jeune journaliste que j’étais à l’époque. 

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