L’oiseau qui juge notre époque

Deux auteurs pour commenter cette image d’albatros dans la tempête. D’abord le grand Baudelaire, dont on connaît mal le passé marin, lui qui embarqua à Bordeaux, destination Calcutta, en 1841. Un naufrage aux îles Mascareignes le fit revenir plus tôt que prévu en France, mais il eut le temps de croiser le maître des airs du grand large. Dans les Fleurs du mal, il projette sa propre image dans ce grand oiseau majestueux dans son élément, mais si maladroit et gauche à terre : « Le Poète est semblable au prince des nuées / Qui hante la tempête et se rit de l’archer ; /Exilé sur le sol au milieu des huées, /Ses ailes de géant l’empêchent de marcher. »
Roger Taylor, lui, est un auteur actuel, et un marin qui ose affronter toutes les mers, jusqu’au Spitzberg, sur un bateau de moins de 7 mètres. Dans « Du zen et de la navigation minimaliste en milieu hostile », c’est bien plus qu’un simple animal qu’il aperçoit en levant les yeux : «Regarder un albatros, écrit-il, ce n’est pas seulement voir un oiseau ; c’est aussi sentir le poids de siècles de traditions maritimes. L’albatros est un symbole autant qu’un être vivant. Il évoque tout à la fois la maîtrise des océans et la culpabilité de l’homme. Il nous élève de sa puissance, mais, pendu à notre cou, il nous fait plier sous la connaissance de nos propres folies… Aucun autre oiseau ne peut provoquer une réaction aussi complexe. L’albatros est innocence et reproche, à parts égales. Il nous montre ce à quoi nous aurions pu aspirer et nous rappelle comment nous y avons échoué. Et dans ce nouveau siècle inconfortable, alors que nous continuons à les tuer, il symbolise, dans un silence éloquent, notre folie collective.»

Christophe Agnus

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Photo Fer Nando/Unsplash

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