Un dragon qui fait rêver

C’était il y a bien longtemps, lors d’une plongée au sud de l’Australie dans un endroit au nom magique : l’île Kangourou. On m’avait prévenu que, dans ces eaux froides au sud d’Adelaïde, je pouvais croiser des phoques, des éléphants de mer et même des requins blancs. Mais je ne m’attendais pas à croiser un chevalier directement sorti de la guerre de cent ans ou du film Excalibur… Car c’est exactement ce à quoi j’ai pensé devant l’apparition d’un dragon des mers feuillu, comme sur la photo : un noble destrier moyenâgeux à la tenue exubérante arborant des oriflammes… Il mesurait environ 20 centimètres de haut, ce qui le rendait assez inoffensif mais pas moins fascinant, et j’ai dû rester cinq ou six minutes à le regarder de très près. Il flottait dans le courant, indifférent à l’observateur.

Cette espèce se retrouve principalement dans les eaux de l’île Kangourou, et encore aujourd’hui cela reste l’un de mes plus grands souvenirs de plongée. Cela me rappelle que la biodiversité n’est pas qu’un concept permettant à l’espèce humaine de survivre sur cette planète. C’est aussi une notion poétique, l’existence d’animaux magnifiques qui nous aident à rêver, à voir au-delà de notre bulle humaine égoïste. Ce dragon des mers feuillu, dont le nom est déjà un poème, m’a bouleversé par sa beauté et sa fragilité. Aujourd’hui, comme beaucoup d’autres espèces menacées, il subit les ravages de la pollution industrielle, du ruissellement des pesticides et de l’avidité des trafiquants d’espèces rares. Alors regardez-le bien et imaginez-le se déplaçant, ses protubérances squameuses en forme de feuilles flottant au gré des courants : elle n’est pas fantastique, la biodiversité ?

Christophe Agnus 

Photo Sylke Rohrlach

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