L’ambiance d’une expédition se lit dans le journal de bord. Et la première phrase écrite le 22 août dans celui de l’expédition Nagalaqa résume ce que vivent les trois hommes partis sur une minuscule embarcation pour rejoindre le Spitzberg par l’océan Arctique, au nord du Canada : « Arrivée douce de l’hiver… ». Le 22 août, donc. L’hiver. À bord de Babouch’ty, un combiné catamaran-char à glace de 7 mètres de long, ils vivent depuis mi-juin dans un univers en trois tons (du bleu, du gris et beaucoup de blanc) et un seul ressenti : le froid. De l’air comme de l’eau. Le 31 août, arrivés au cap Columbia, au nord du nord du nord du Canada (même les Inuits trouvent cela loin…), mais à peine à mi-distance de leur but, ils écrivent vouloir « se ménager car la route est encore longue ».
En voulant découvrir une région du monde parmi les moins connues, tout en effectuant des relevés d’épaisseur de glace, des différents polluants, mais aussi des comptages de la faune, des archives photos et vidéos des dernières glaces pluriannuelles, les trois aventuriers ne sont pas des conquérants de l’inutile. Leur exploit contribue à la connaissance, à la science. Mais il y a bien plus que cela. Il suffit de regarder les images, de lire leurs textes, d’observer leur voilier. Ils avancent sans moteur, sans bruit, dans un monde dont ils sont parmi les derniers témoins. Dans cinquante ans, cette route maritime devrait être libre de glace. Les cargos remplaceront les ours polaires. Alors, avec Babouch’ty et l’expédition Nagalaqa, profitons de l’instant, de la beauté du silence blanc, et de la poésie de l’exploit de trois hommes voulant vivre le monde avec intensité.
Christophe Agnus
Photo Nagalaqa
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