L’indicible

C’est un secret que partagent ceux qui l’ont vécue : la tempête en mer. Eux, ils savent. Ils l’ont vécue dans leur cœur, leur corps et leur âme. Mais comment faire comprendre ?  Comment la décrire à ceux qui restent à terre ? Aucune photo ne peut vraiment en rendre compte. Tout juste peut-on y montrer des vagues un peu plus grosses que d’habitude. Mais le bruit ? Comment raconter le vacarme ? Les vagues qui frappent la coque ? Le vent qui siffle dans les haubans ou utilise tout élément de structure pour signaler sa présence et son courroux ? Il y a aussi les mouvements, le navire, grand ou petit, n’étant qu’un jouet balloté par les vagues et les déferlantes, secoué comme un shaker. Sur la photo, le catamaran du navigateur néerlandais Henk de Velde semble à la peine dans une mer que l’on devine agitée, mais c’est la petitesse de la grand-voile qui signale la force des éléments. Pourtant il y a pire. Bien pire. Comme l’avait fait comprendre la phrase, désespérée, du dernier message du canadien Gerry Roufs dans le Vendée Globe 1996 : «Les vagues ne sont plus des vagues, elles sont hautes comme les Alpes ». Son voilier sera retrouvé des mois plus tard, déchiqueté, sur la côte chilienne. Dans la même tempête, Isabelle Autissier, un doigt cassé après un vol plané incontrôlé dans son habitacle, finira par s’amarrer sous sa table à carte pour ne plus être blessée par les ruades de son monocoque. Mais peut-être faut-il faire confiance à Joseph Conrad, autre marin et grand écrivain, quand, dans « Typhon », il fait le récit d’un cyclone en mer de Chine : « La tempête geignait, piaulait, se démenait, gigantesque dans les ténèbres, comme si le monde entier n’eût été qu’un égout noir. » 

Christophe Agnus
 
Photo Henk de Velde
­
­
Faîtes connaître la photo de mer en la partageant avec vos amis, et en leur rappelant qu’ils peuvent s’inscrire gratuitement sur www.laphotodemer.com
­

Suivez-nous sur Facebook
Suivez-nous sur Instagram