L’expérience inutile

L’homme apprend lentement. Avant de distribuer un médicament, il le teste par des protocoles complexes et lourds. Pour être sûr de faire plus de bien que de mal. Idem pour une simple voiture. Quand il s’agit du fond des océans, en revanche, il prend moins de précaution.31 permis d’exploitation couvrant 1,5 millions de km2 de fonds marins profonds ont été accordés par l’Autorité Internationale des fonds marins à des pays comme la Chine, la Corée, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et la Russie. Butin recherché :  cuivre, nickel, cobalt, zinc, thallium, or… Des minerais rares utiles à la fabrication de nos téléphones, ordinateurs, batteries et autres matériels électronique. Le risque ? Destruction des écosystèmes et de la biodiversité, contamination chimique de la colonne d’eau et donc de la chaîne alimentaire, libération du CO2 séquestré dans les sols océaniques depuis des millions d’années, perte de la fonction de puits de carbone… Le Président de la République des Palaos, en Micronésie, appelle à un moratoire le temps de comprendre les dommages environnementaux et sociaux. Le premier ministre des Fidji l’approuve : « Déstabiliser l’océan serait suicidaire. Il faut empêcher ces exploitations, privilégier la science et la protection ». Le 30 juin, à la surprise des environnementalistes, et alors que la France bénéficie de permis d’exploitation, Emmanuel Macron a déclaré lors de la visite de l’Oceanarium de Lisbonne : « Je pense que nous devons élaborer un cadre légal pour mettre un coup d’arrêt à l’exploitation minière des fonds en haute mer et ne pas autoriser de nouvelles activités qui mettraient en danger les écosystèmes». Mais la France est pour l’instant le seul grand pays sur cette position. Malheureusement.
Car on ne sait pas grand-chose de l’impact de ces gigantesques chantiers miniers. Alors la grande océanographe Sylvia Earle demande : « allons-nous vraiment prendre le risque de relâcher tout ce carbone, détruire la vie marine, pour créer des batteries dont la technologie sera considérée comme obsolète dans quelques années ? » Bonne question. Dont la réponse devrait être évidente si l’homme apprenait un peu plus vite. 

Christophe Agnus 

Photo du navire scientifique Thalassa par Olivier Dugornay, Mission AWA – Ifremer

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