Perdues au milieu de cette photo satellite, coincées entre deux continents et deux mers aux noms sonnant comme l’aventure (Béring au sud, les Tchouktches au nord), deux îles séparées par trois kilomètres et un monde entier. Il y a longtemps, quand les Inuits en étaient les seuls résidents, soit avant 1728, la grande Imaqliq et la petite Inaliq étaient sœurs. Toutes deux abritaient des Iŋalikmiouts, parlant la plus ancienne des différentes langues inuits. Après la vente de l’Alaska aux Etats-Unis par le tsar Alexandre II en 1867, elles ont commencé à s’éloigner, si ce n’est géographiquement, au moins politiquement. Et même à basculer d’identité, l’une se faisant aussi appeler Ratmanov pendant que l’autre osait Krusenstern. Les Inuits ? Presque oubliés. Sur l’île de l’est, on peut encore en croiser dans la grosse centaine de maisons accrochées à la pente. A l’ouest, tous ont été déplacés il y a longtemps pour laisser la place à des militaires de l’armée rouge. Au milieu de nulle part, Moscou et Washington s’affrontent du regard. Loin de l’Alaska, peu de gens ont conscience que seuls trois kilomètres séparent ces deux grandes puissances militaires. Seulement 3 000 mètres d’eau glacée mais quand même 21 heures. Miracle des découpages des fuseaux horaires : bien que la ligne de changement de date passe entre elles, les deux îles ne sont pas à un jour plein d’écart. Et par un ironique pied de nez à l’histoire, ce sont les militaires russes de la Grande Diomède qui ont presque une journée d’avance sur les Yankees modernes de Petite Diomède. Symbolique : même réduits à deux petites îles perdues et géographiquement très proches dans un océan glacé, ces deux pays ne peuvent pas vivre au même rythme…
Christophe Agnus
Photo Nasa
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