Devenir marin

Il y a cette fameuse phrase définissant trois sortes d’hommes : « les vivants, les morts, et ceux qui vont sur la mer ». Qu’elle soit d’Aristote ou de son maître Platon, peu importe. Elle raconte l’incompréhension entre les marins et les terriens. Ces derniers ne comprennent pas ce désir du large, l’envie irrésistible de naviguer sur un élément qui apparaît si hostile à l’humain. Et il n’y a pas que chez les Grecs anciens : on trouve même trace d’une certaine méfiance dans l’idéologie judéo-chrétienne qui a forgé la culture française, celle qui rappelait que le Paradis était terrestre et que la mer était le domaine du Diable. C’est dans la mer que partaient les âmes des gens damnés, l’Eden restant une terre divine. Pour les terriens, finalement, la mer est l’envers désordonné du monde. Et c’est peut-être cela qu’ils craignent : l’aléatoire promis par l’océan. Sans doute, justement, ce qui plaît aux marins : cette liberté absolue des éléments qui leur permet à leur tour de se sentir à la fois furieusement en vie et libres. À regarder cette photo des îles Crozet, on en arrive à penser que la mer est souvent plus accueillante, semble plus douce, et que là est le refuge. Le ciel est chargé de nuages, la côte menace, et c’est au niveau de l’eau qu’apparaît la lumière, la vérité. Alors, on embarque. On largue les amarres et on hisse les voiles pour échanger un destin sombre contre un horizon ne promettant rien, et donc tout. « Et une fois qu’on est marin, disait Jack London, on le reste toujours. La saveur de l’air salin ne s’évente pas. Un marin ne vit jamais assez vieux pour n’avoir plus le désir de lutter encore contre le vent et les vagues ».

Christophe Agnus

Photo CélineLeBohec_IPEV-CNRS-CSM

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