On oublie souvent l’incroyable inconfort et le danger permanent dans lequel vivaient les marins autrefois. Et il faut des photos en noir et blanc pour nous le rappeler. Ce bateau est le Garthsnaid, un trois-mâts barque propriété d’une société canadienne. En cette année 1920, il est parti de Montréal pour rejoindre le Mozambique en passant par le Chili, et donc le cap Horn, avec un chargement de nitrate. À ce moment précis, les marins ont été pris dans une tempête et une des voiles doit être referlée d’urgence. Ils sont quatre dans la mâture. Quatre hommes sans le moindre harnais, équipés de tenues ne les protégeant vraiment ni du froid mordant, ni des paquets de mer. Quatre marins observés de près par le reste de l’équipage qui sait l’importance de la manœuvre. Quatre gabiers qui travaillent à mains nues pour le salut de tous, donc le leur. Ils savent que, s’ils tombent, ce sera la fin. Personne ne viendra les chercher. Le grand bateau ne pourra pas faire demi-tour assez vite puis mettre un canot à la mer pour les récupérer avant que l’eau glaciale ait décidé de leur sort. Quand la mer se fâche, la seule solution est la fuite, se faire petit et essayer de subir le moins possible. L’océan n’accepte aucune contestation de sa puissance, de son pouvoir absolu. « Tout ce qui a été dit des rois peut se dire des flots, écrit Victor Hugo. On est leur peuple ; on est leur proie. Tout ce qu’ils délirent, on le subit ». Mais pendant qu’on admire les gabiers, on oublie que le photographe, Alexander Harper Turner, un jeune officier de 19 ans, s’est installé à l’extrémité du bout-dehors, pour manipuler un lourd appareil photo de 1920 et rapporter ce témoignage… Un autre exploit. Christophe Agnus Copyright Alexander Turnbull Library, National Library NZ on The Commons Recevez directement et gratuitement la photo de mer en vous inscrivant sur www.laphotodemer.com |