La chimère et le président

La mer est bonne fille.
Quand l’homme détruit les stocks de morues en mer du Nord, elle les recompose en une décennie.
Quand un pétrolier s’échoue sur ses côtes, elle nettoie les plages et les fonds avec ses vagues et ses bactéries.

Mais elle en a assez, la mer.

Elle est fatiguée de voir les humains s’intéresser à elle surtout pour l’exploiter. On lui prend déjà plus de poissons qu’elle peut en produire. Des forages viennent détruire ses fonds et salir ses eaux pour du pétrole ou du gaz.
Alors quand le plan d’investissement France 2030 parle d’investir « le champ des fonds marins, si riches de biodiversité à protéger », la mer pense: «enfin ! » Quand le président ajoute qu’il « ne parle pas d’exploitation, mais d’exploration », les océans sont en totale empathie.
Sauf que… le discours ne s’arrête pas là.
Deux phrases plus loin, il est question « d’accès à certains métaux rares »… Ceux, sans doute, qui pourraient tant servir pour fabriquer des smartphones. Et là, la mer ne sait plus si elle doit sourire ou pas. Si elle doit être heureuse d’être enfin explorée, étudiée, avec l’espoir d’être protégée, ou s’inquiéter que l’on cherche encore quelque chose d’autres à extraire industriellement de ses entrailles.

Elle pense à cet animal bizarre que l’on trouve à grande profondeur. Un poisson cartilagineux aux dents soudées en plaques qui résume, par son nom, cette volonté de protéger et d’exploiter « en même temps », symbolisée par le discours présidentiel : une chimère (photo). Un mot qui, pour le Larousse, signifie aussi « projet séduisant, mais irréalisable ; idée vaine qui n’est que le produit de l’imagination ; illusion ».


Photo NOAA Ocean Explorer: NOAA Ship Okeanos Explorer: INDEX 2010 “I

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