La mauvaise réputation

Quand les phares étaient encore habités (aujourd’hui, il ne reste que Cordouan, dans l’estuaire de la Gironde), les gardiens du feu utilisaient des surnoms pour les différents lieux d’affectation : « enfer » pour ceux isolés au large, « paradis » quand c’était sur une terre. Inauguré en 1875, le phare de Tévennec, situé pourtant à cinq kilomètres de la côte et de la pointe du Raz, n’était béni ni par Dieu, ni par le Diable : ils l’appelaient « purgatoire ». Et, très vite, ils y ont décelé le souffle de l’Ankou, devinant dans celui d’un tunnel sous-marin passant à travers la roche, le cri d’un marin naufragé, mort sur les rochers quelques années avant le début de la construction. Le premier gardien démissionna après cinq mois de présence. La vie y était aussi difficile que l’accès – et donc le ravitaillement… – et 23 gardiens vont s’y succéder en 35 ans. Avant que cela devienne le premier phare automatisé de France en 1910. L’imagination de l’écrivain Charles Le Goffic, dans les années 30, fit le reste. Pour les besoins d’un roman, il y situa des crises de folie, des suicides, des meurtres, et même un prêtre exorciseur. Et quand la légende est plus belle que la réalité, c’est la légende qui prime : Tévennec devint le « phare maudit » et les inventions de Le Goffic continuent à passer pour la vérité. Coincée sur son rocher, en veille sur le raz de Sein, la construction avait toutefois souffert des 113 ans de solitude. Un grand chantier de rénovation a donc été lancé, le toit sera changé, un nouveau plancher de chêne posé. En espérant que la remise en état n’attirera pas le nouveau fléau des demeures aux vues imprenables : Airbnb… 

Christophe Agnus

Photo Benoît Stichelbaut –www.stichelbaut.com


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