Chef-d’œuvre des grands fonds

Cet animal, photographié par des chercheurs au large de la Californie, n’est pas un Pokémon. C’est un poulpe. Précisément une espèce vivant entre 130 et 2350 mètres sous la surface des océans. Sa taille ? Entre 20 et 50 centimètres de large. Dois-je préciser qu’il est inoffensif ? Je le pense. Dois-je ajouter qu’il ne s’agit pas d’une pieuvre ? J’en suis sûr. Car les pieuvres n’existent pas. Ce terme, utilisé pourtant si couramment, n’est que la reprise d’un mot du patois des îles anglo-normandes. Victor Hugo avait besoin d’inventer un monstre marin pour «Les travailleurs de la mer». Il a créé la pieuvre. Rappelez-vous ses mots: « Chose épouvantable, c’est mou. Ses nœuds garrottent ; son contact paralyse. Elle a un aspect de scorbut et de gangrène : c’est de la maladie arrangée en monstruosité. ». Et, bien sûr, s’attaque à l’homme : « la pieuvre l’avait happé. Elle le tenait. Il était la mouche de cette araignée. […] Gilliatt avait sur lui deux cent cinquante suçoirs. Complication d’angoisse et de dégoût. Être serré dans un poing démesuré dont les doigts élastiques, longs de près d’un mètre, sont intérieurement pleins de pustules vivantes qui vous fouillent la chair. » D’où une conclusion terrible : « Dieu a fait la Pieuvre. Quand Dieu veut, il excelle dans l’exécrable […] ; si l’épouvante est un but, la pieuvre est un Chef-d’œuvre. » Un avis que les chercheurs, qui connaissent bien mieux cet animal que le grand Hugo, ne partagent pas du tout. Chargée de décrire cette espèce, la biologiste du Mbari l’a nommée Opisthoteuthis. Mais elle a hésité, trouvant l’animal « si mignon », à lui ajouter un adjectif. Elle avait pensé à Adorabilis. Loin du cauchemar de Hugo…

Christophe Agnus 

Photo Monterey Bay Aquarium Research Center (MBARI) 
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