En air et mer (suite)

L’imagination est un outil étrange. Elle vous fait faire, inconsciemment, des associations dont vous ne trouvez pas toujours la pertinence totale. Mais à chaque fois que je vois des photos de requins-baleines (comme cette superbe image d’Henri Eskenazi), je pense à Henri de Monfreid. Sans doute la Mer Rouge, point commun géographique entre le plus grand des poissons et cet homme à la vie tumultueuse. Peut-être aussi leur besoin absolu de liberté. A moins que ce soit l’attirance des hommes pour deux êtres qui les fascinent et leur font finalement aussi un peu peur? 
Le requin-baleine est totalement inoffensif, je le rappelle. Même s’il peut mesurer 15 mètres de long, il ne se nourrit que de planctons et d’animaux de taille minuscule qu’il attrape en nageant la bouche ouverte. Henri de Monfreid était-il inoffensif? Pas sûr… Ce fils d’un bourgeois-bohême (riche, peintre et collectionneur), a fait de sa vie une aventure dans la corne de l’Afrique, ne reculant devant pas grand chose. Trafic d’armes, trafic de drogue, trafic de… ce qu’il pouvait trafiquer. Fasciné par l’Italie de Mussolini au point d’essayer de rencontrer le dictateur fasciste (sans y parvenir) et de soutenir l’Italie en Afrique au début de la seconde guerre mondiale. Il restera prudemment loin de la France pendant la période d’épuration. Avant de revenir vivre (et écrire) dans un petit village de l’Indre. Il va même, deux fois, tenter sa chance à l’Académie Française, sans succès malgré le soutien de Kessel, Pagnol et Cocteau (dont il était le fournisseur d’opium…).

A sa mort, on découvrira qu’une bonne partie des tableaux qu’il disait avoir hérité de son père, et qu’il vendait quand il avait besoin d’argent, était sans doute des faux. Peut-être même les avait-il peints…

Mais il reste l’océan. Où il n’était plus question de jouer les faussaires, et où il passera beaucoup de temps par simple goût comme pour transporter ses cargaisons en fraude, le plus souvent à la voile. Une passion née très tôt à lire ce qu’il écrivait, à 15 ans, sur la mer:
«J’ai grandi auprès d’elle et les sommeils de mon enfance ont été bercés du grondement de ses vagues. Mon printemps a éclos auprès de son azur et mon hiver finira peut-être au milieu de ses gouffres.»


Merci à Henri Eskenazi pour sa photo, et bonne semaine!

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