La pluie en mer

De grosses gouttes, lourdes, frappent la surface des flots en la creusant pour faire de la place. Image fascinante de l’eau accueillant l’eau. Le salé acceptant sa dilution. Mais la pluie, en mer, a de multiples significations. Pour le régatier, elle est souvent celle qui apporte la note discordante, rendant la manœuvre désagréable, augmentant l’inconfort du rappel. Le navigateur au long cours, lui, y voit une occasion de tout nettoyer, parfois même de se doucher à l’eau douce quand le naufragé bénit ce ciel qui lui donne de quoi survivre. Tombant dru à la verticale, elle écrase le sommet du clapot, offrant une surface plus lisse à l’étrave du navire qui peut se glisser sur un océan bruyant de ces petites frappes de tambour. Quand le vent trop fort l’accompagne, elle agresse ce qui s‘interpose, volant presque à l’horizontale avant de rebondir sur l’écume. Jamais elle ne laisse le vrai marin indifférent. Car la pluie et la mer ne sont qu’une même famille se séparant le temps d’une évaporation et d’un nuage pour mieux se retrouver après l’orage. Naviguer, c’est flotter sur de la vieille pluie qui attend d’être rajeunie par la première venue, en veille attentive dans les cumulonimbus. Le ciré ou la veste étanche, éléments essentiels du sac de marin, ne sont pas seulement pour les projections salées : autant être prêt à la recevoir pour ne pas la subir. Voire même l’apprécier, en faire un élément de notre vie sociale maritime, comme le grand Bernard Moitessier qui écrivait :  “J’écoute la mer, j’écoute le vent, j’écoute les voiles qui parlent avec la pluie et les étoiles dans les bruits de la mer et je n’ai pas sommeil.”

Christophe Agnus

Photo Photo Nata Mostova


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