C’est un ballet pour les oiseaux de mer. Une danse à la fois coordonnée et déséquilibrée, les hommes tentant de contrôler un chalut pendant que la mer bouscule le navire et que les vagues menacent de remonter par la poupe grande ouverte. La nuit, le spectacle est magnifique. On finit par oublier que ces immenses chaluts livrent un combat assez inégal avec les poissons, victimes désignées de cette grande prédation des racleurs d’océan. A chaque trait, des dizaines de tonnes sont remontées du fond. Et une bonne partie, invendable ou hors quota, est rejetée, morte, à la mer. Si les grands fonds aux populations fragiles ne peuvent plus être visés, des navires usines continuent de prélever leur taxe sur la nature comme sur les hommes. Car le métier est dur, dangereux. En mer pendant des dizaines de jours, secoués parfois par des tempêtes épiques, les marins espèrent le poisson qui dopera leur paye tout en redoutant les interminables heures à l’usine, dans les entrailles du bateau, à nettoyer les prises et les découper en morceaux pour la congélation. Malgré la violence du travail et des éléments, malgré l’éloignement des familles, ils aiment ce métier où ils se sentent finalement libres, même bloqués sur un petit navire au milieu de l’océan. A terre, l’acheteur de poisson ou de surimi n’a, lui, aucune idée de cette réalité. « Alors, comme l’écrit Frédéric Brunnquell dans Hommes des tempêtes (Ed.Grasset), apprenez, consommateurs de surimis, que derrière vos bâtonnets se tient au milieu de l’océan un bal tragique, où des oiseaux, des marins, des mécaniciens et un capitaine jouent leur survie face aux forces liquides d’une planète restée sauvage ».
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Photo Christophe Agnus/www.nautilus.tf