Gallus gallus maritimus 

Quand on interroge les biologistes, ils estiment que le nombre d’espèces inconnues en mer se situe entre un et dix millions. Mais aucun n’a jamais pensé à Monique. La poule. L’oiseau, connu dans les fermes comme Gallus gallus domesticus, qui a accompagné Guirec Soudée dans sa navigation sur son voilier Yvinec, à partir de 2014. Une véritable histoire d’amitié. Pour elle, le jeune Breton a fait de la prison au Canada et renoncé à rejoindre Tahiti où la grippe aviaire frappait. En retour, elle l’a empêché de devenir fou lors des 130 jours d’hivernage en autarcie au Groenland, assurant une ponte quasi quotidienne quand il n’arrivait pas à pêcher à travers la banquise. La poule s’était parfaitement adaptée au rythme et aux mouvements du bateau, traversant l’Atlantique, découvrant les Antilles comme les glaces polaires, gagnant même le droit de porter un anneau d’or à l’oreille gauche en devenant cap-hornière. Un privilège auquel elle renoncera, sans doute pour absence de lobe… L’oiseau développera aussi une relation étonnante avec son ami humain qui l’initiera au paddle et au surf. Impossible cependant pour Guirec Soudée d’embarquer Monique pour la Route du Rhum, course en solitaire. Monique était donc restée à terre, avec des copines à plumes qu’elle acceptait de fréquenter, même si elle connaissait sa différence. Mais une poule n’est pas éternelle, et l’amie du marin est décédée il y a quelques semaines maintenant, après neuf années d’amitié avec le navigateur. Elle laisse derrière elle une très belle histoire de mer, et un mystère scientifique : et si Monique était la seule représentante d’une espèce nouvelle et déjà disparue, Gallus gallus maritimus ?

Christophe Agnus

Photo Guirec Soudée Adventure

La mauvaise réputation

Quand les phares étaient encore habités (aujourd’hui, il ne reste que Cordouan, dans l’estuaire de la Gironde), les gardiens du feu utilisaient des surnoms pour les différents lieux d’affectation : « enfer » pour ceux isolés au large, « paradis » quand c’était sur une terre. Inauguré en 1875, le phare de Tévennec, situé pourtant à cinq kilomètres de la côte et de la pointe du Raz, n’était béni ni par Dieu, ni par le Diable : ils l’appelaient « purgatoire ». Et, très vite, ils y ont décelé le souffle de l’Ankou, devinant dans celui d’un tunnel sous-marin passant à travers la roche, le cri d’un marin naufragé, mort sur les rochers quelques années avant le début de la construction. Le premier gardien démissionna après cinq mois de présence. La vie y était aussi difficile que l’accès – et donc le ravitaillement… – et 23 gardiens vont s’y succéder en 35 ans. Avant que cela devienne le premier phare automatisé de France en 1910. L’imagination de l’écrivain Charles Le Goffic, dans les années 30, fit le reste. Pour les besoins d’un roman, il y situa des crises de folie, des suicides, des meurtres, et même un prêtre exorciseur. Et quand la légende est plus belle que la réalité, c’est la légende qui prime : Tévennec devint le « phare maudit » et les inventions de Le Goffic continuent à passer pour la vérité. Coincée sur son rocher, en veille sur le raz de Sein, la construction avait toutefois souffert des 113 ans de solitude. Un grand chantier de rénovation a donc été lancé, le toit sera changé, un nouveau plancher de chêne posé. En espérant que la remise en état n’attirera pas le nouveau fléau des demeures aux vues imprenables : Airbnb… 

Christophe Agnus

Photo Benoît Stichelbaut –www.stichelbaut.com


Si vous aimez la photo de mer, vous aimerez aussi nos livres! 
C’est ici: www.nautilus.tf  (et cela nous ferait plaisir que vous les découvriez…) 

La fragilité des géants

Les apparences sont souvent trompeuses. Mais pas ici : le poisson est bien énorme. Sans avoir les dimensions précises de celui de la photo, il appartient à une espèce pouvant atteindre 20 mètres de long et 34 tonnes. Rhincodon typus. Plus connu sous son nom commun de requin-baleine. Mais un squale géant pourtant totalement inoffensif, sauf pour de toutes petites proies de moins de 10 centimètres de long, et surtout du krill ou du plancton. L’homme peut donc approcher sans risque, et c’est bien le problème de cet animal majestueux dont la population aurait baissé de 50 à 70% en soixante-quinze ans : malgré son classement dans la liste des espèces menacées, il continue à être péché illégalement, notamment pour ses ailerons. L’animal n’est pourtant pas qu’un symbole majestueux de la vie océanique et le plus grand poisson de notre planète, ce qui suffirait déjà pour lui devoir un profond respect : il joue un rôle important dans la chaîne alimentaire et même le cycle du carbone. D’où le travail de d’une association comme Over the Swell, dont l’un des membres est ici en train d’identifier un individu dans l’océan Atlantique Sud-Est. Leur souhait : étudier cet animal sur lequel on en sait si peu pour pouvoir mieux me le protéger, en associant les populations locales qui connaissent également très mal ces grands requins paisibles. Leur rêve : obtenir un couloir de protection entre le golfe de Guinée et l’île de Sainte-Hélène, où des requins-baleines semblent se regrouper souvent, pour une raison encore mystérieuse. A moins qu’ils aient compris, ce qui serait tragique, que c’est bien à hauteur de cette île de l’Atlantique que s’éteignent les géants ?

Christophe Agnus

Photo Over the Swell  / https://www.overtheswell.com/

Les champions dans l’écume

Les résidents des villes de bord de mer ont souvent la chance d’apercevoir, au large, des petites voiles qui se pourchassent à grande vitesse. Qu’il pleuve ou vente fort, elles sont là, sans relâche. Et, à bord, des régatiers qui tentent de maitriser au mieux leur bateau ou leur planche à voile pour aller toujours plus fort, toujours plus vite, toujours plus haut, comme sur cette photo prise lors de la Semaine Olympique Française Hyères 2023. Leur graal : les championnats d’Europe, du Monde et bien sûr, les « Jeux ». Dans les milieux nautiques, on parle d’ailleurs de « voile olympique » pour désigner cette famille de marins obsédés par le détail faisant gagner un dixième de nœud ou de seconde. Ceux qui les ont vu s’entraîner, sur l’eau ou dans les salles de musculation, savent ce qu’il faut de volonté farouche, de constance et de talent pour arriver au sommet de cette discipline. D’autant que, pour les Jeux, les pays n’ont le droit qu’à un seul participant par régate… Si les deux meilleurs du monde sont français, le n°2 restera à terre. Injuste ? C’est la règle. Elle est dure. Alors tous les regards se tourneront vers ceux qui afficheront les couleurs bleu-blanc-rouge. En espérant qu’ils rapporteront de l’or… Et si j’en parle aujourd’hui, c’est pour saluer ces champions et championnes hors du commun, que l’on retrouve souvent, ensuite, dans les meilleurs équipages de la Coupe de l’América, là où l’exigence est extrême, le niveau stratosphérique. Avant cela, ils auront appris l’humilité. Car qui les connaît ? Qui, dans le grand public, est capable de citer le nom d’un champion olympique de voile ? Jean-Yves Le Déroff, Faustine Merret, Franck David et Aloïse Retornaz, cela vous dit quelque chose ? Des bretons et des médailles d’or. Que, maintenant au moins, vous connaissez.

Christophe Agnus

Photo Sailing Energy / Semaine Olympique Française

Suivez-nous sur Facebook
Suivez-nous sur Instagram