Le respect des gens de mer

Le 21 juillet 2019, les recherches menées sous la direction de la Marine Nationale permirent de retrouver le sous-marin Minerve, disparu le 27 janvier 1968 avec 52 hommes à bord. Six mois plus tard, le 1er février 2020, un navire océanographique américain de 68 mètres, le Pressure Drop, se positionnait au-dessus de l’épave, au large de Toulon. Son propriétaire, le Texan Victor Vescovo, avait appris que les familles des marins morts en service commandé souhaitaient y déposer une plaque, et sa proposition était simple : « J’ai un navire et un sous-marin capables de le faire. Je les mets à votre disposition ». Une offre répondant, pour ce commandant de réserve de l’US Navy, à un devoir de solidarité et de mémoire. C’est lui-même qui était aux manettes du submersible pour les deux plongées sur la zone du naufrage dont celle où, accompagné du fils du commandant de la Minerve, la plaque fut déposée par 2235 mètres de profondeur sur une partie importante de l’épave. Une fois l’opération réussie, l’explorateur américain positionna son Limiting Factor un peu en retrait et, à la surprise de son passager, sortit son téléphone portable. Non pour une photo souvenir mais pour ouvrir un fichier son qu’il avait préalablement enregistré : la Marseillaise, qui résonna dans l’habitacle a quelques mètres au-dessus de l’épave. Sur la plaque, désormais pour l’éternité au fond de la Méditerranée (et dont une copie a été déposée dans la chapelle de la base sous-marine de Toulon), on pouvait lire : «Marins de la Minerve, nous vous avons cherchés. Nous ne vous avons jamais oubliés. Vos Familles. Vos Frères d’Armes. Vos Amis». C’était il y a trois ans. Et la Minerve n’est pas oubliée.

Christophe Agnus

Surf, Ifremer, Cook et London…

Ce n’est pas un hasard si cette photo a été prise par un chercheur de l’Ifremer à Teahupoo (Tahiti). La formation d’une vague est un phénomène scientifiquement analysé et que l’on peut mettre en équation. Ce qui est impossible à modéliser en revanche, c’est la passion liée au surf. L’explorateur anglais James Cook, premier européen à Hawaï, l’avait déjà remarqué en 1778 quand il écrivait, après avoir vu un surfeur qu’il « ne pouvait s’empêcher de conclure que cet homme éprouvait le plus suprême des plaisirs alors qu’il était conduit si rapidement et si doucement par la mer ». Car on parle ici de bien plus qu’un sport : une tradition, une culture, voire une façon de voir la vie et le monde. Avec une forme de modestie obligatoire : si vous ne montrez pas de respect pour la vague, l’océan vous apprend vite à en avoir. Mais si vous savez où est votre place et apprenez la mer, la houle, la récompense dépasse le simple plaisir de la glisse. Et c’est Jack London qui l’écrit : « Là où il n’y avait auparavant que la grande désolation et le rugissement invincible, se trouve maintenant un homme, droit, de pleine stature, ne luttant pas frénétiquement dans ce mouvement sauvage, non pas enterré et écrasé et secoué par ces puissants monstres, mais se tenant au-dessus de tous, calme et superbe, posé sur le sommet vertigineux, les pieds enfouis dans l’écume tourbillonnante, la fumée saline qui monte jusqu’aux genoux, et tout le reste de lui à l’air libre et au soleil clignotant, et il vole dans les airs, il avance, il vole vite comme la vague sur laquelle il se tient. C’est un Mercure – un Mercure brun. Ses talons sont ailés, et en eux se trouve la rapidité de la mer ».

Christophe Agnus

Photo Olivier Dugornay (2022)/ Ifremer

L’Hermione retrouvera l’eau

L’Hermione devrait retrouver la mer et le large. Depuis septembre 2021, la frégate est en chantier après la découverte dans sa coque, à plusieurs endroits, de champignons à croissance lente pourrissant le chêne. Le doute a longtemps plané sur la possibilité de réparer les dégâts, et de remettre le voilier dans son milieu naturel. On sait désormais que les travaux devrait aller jusqu’au bout. Meme si tout n’est pas gagné, financièrement du moins. Car, contrairement aux apparences, le magnifique trois-mâts carrés est… un bateau neuf. Pas un monument historique. Et donc moins légitime pour les aides à la sauvegarde du patrimoine. Lancé en 2012, c’est une réplique du glorieux voilier de 1779, aujourd’hui entré dans la légende à cause de son rôle et ses combats pendant la guerre d’Indépendance américaine. Son commandant était le lieutenant de vaisseau Levassor de La Touche, comte de Tréville, futur Latouche-Treville que Napoléon considèrera plus tard comme son « meilleur amiral », et le seul à battre Nelson à deux reprises. Contrairement à ce que croient beaucoup, La Fayette n’est venu à bord que le temps d’une traversée de l’Atlantique, et un dîner. Toujours en invité, jamais aux commandes. L’Hermione n’est donc pas le « bateau de La Fayette », mais celui à bord duquel le « héros des deux mondes » a été transporté pour transmettre au général Georges Washington un message de soutien de la France aux insurgés américains. Cela suffit à entrer dans l’Histoire. Et à se réjouir de savoir que cette belle réplique pourra renaviguer.

Christophe Agnus


Photo © Francis Latreille / Association Hermione


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A la force des bras

C’est après-demain, le 4 janvier, que six jeunes femmes, originaires des Landes et du Pays Basque, vont s’élancer du Pérou pour rejoindre la Polynésie sur une planche de « prone paddleboard » dans le défi « Cap Optimist ». Huit mille kilomètres à se relayer chaque heure, en ramant avec les bras. Précisions : ces femmes ne se lancent pas à la légère. Certaines ont déjà traversé l’Atlantique ou franchi le Cap Horn, toutes ont relié Monaco à Athènes à la force de leurs bras. Cette fois, elles visent encore plus loin, encore plus fort. 

Évoquant les exploits en montagne, l’alpiniste Lionel Terray avait parlé des « conquérants de l’inutile ». C’était en 1961, une époque avec une seule chaîne de télévision et pas d’Internet. Aujourd’hui, à l’ère des réseaux sociaux, l’extraordinaire concurrence médiatique rend l’exploit indispensable pour intéresser le public. Pour de bonnes causes. Car le projet, sous l’égide de l’association Hope Team East, s’accomplira en parallèle de nombreuses actions humanitaires en faveur des enfants malades, ou même pour encourager le sport dans des écoles et des services pédiatriques hospitaliers. Les six sportives vont ramer en pensant à ceux que leur aventure va aider. Comme les concurrents de la route du Rhum dont les voiliers s’appelaient Prendre la mer, agir pour la forêtLa chaîne de l’espoir »Médecins du Monde ou Initiatives Cœur. Une tendance qui grandit. Tant mieux. Et quand des marins, des hommes et femmes de la mer, décident d’utiliser l’aventure maritime pour capter l’attention des autres humains vers des actions positives, on a envie de leur trouver un surnom pour les définir. «Conquérants de l’utile» peut-être ?

Christophe Agnus

Photo Jeremie Gabrien


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