Surprise dans le Pacifique

Il y a des années, je discutais avec un biologiste marin et il me disait : « ce qui est formidable quand on explore les grands fonds, c’est qu’à chaque plongée on trouve des espèces inconnues… ». Ou alors des espèces qu’on ne pensait pas voir, comme ce « stylo de mer », Solumbellula monocephalus, d’environ 40 centimètres de long avec un pédoncule de plus de 2 mètres, filmé il y a une dizaine de jours seulement à 2 994 mètres de profondeur par l’équipe de l’expédition « 2022 E/V Nautilus ».
On savait cet animal, de la famille des cnidaires (comme les anémones de mer, les coraux ou les méduses) présent en Atlantique et océan Indien, mais il n’avait encore jamais été observé dans le Pacifique, ici au large d’Hawaï. Charge maintenant aux scientifiques de déterminer s’il s’agit exactement de la même espèce. Pour nous, il reste l’imagination : vu qu’on ne connait vraiment pas grand-chose des océans, que va-t-on encore y trouver ces prochaines années ? Des chercheurs estiment le nombre d’espèces inconnues en mer entre 1 et… 10 millions. Sachant que seulement 2 millions ont été répertoriées sur la planète, tous milieux naturels confondus, cela laisse rêveur. On pense bien sûr à des bactéries, des petits mollusques ou poissons. Mais pourquoi pas de très grands animaux ? Sous la surface, un monde entier nous attend encore, et il est important de découvrir cette source formidable de science et de connaissance, à portée de plongée. Je n’exagère pas : en 2007, le photographe sous-marin Laurent Ballesta avait photographié des espèces inconnues par 190 mètres de fond, mais à seulement quelques centaines de mètres de la promenade des Anglais, à Nice… 

Christophe Agnus 

Photo Ocean Exploration Trust Expedition – NOAA

Dernier (et premier) repère

« Ici se termine l’ancien monde ; voilà son point le plus avancé, « sa limite extrême ». Derrière vous est toute l’Europe, toute l’Asie ; devant vous c’est la mer et toute la mer. Si grands qu’à nos yeux soient les espaces, ne sont-ils pas bornés toujours, dès que nous leur savons une limite ?
Ne voyez-vous pas de nos plages, par-delà la Manche, les trottoirs de Brighton, et, des bastides de Provence, n’embrassez-vous pas la Méditerranée entière, comme un immense bassin d’azur dans une conque de rochers que cisèlent sur ses bords les promontoires couverts de marbres qui s’éboulent, les sables jaunes, les palmiers qui pendent, les sables, les golfes qui s’évasent ? Mais ici plus rien n’arrête. Rapide comme le vent, la pensée peut courir, et s’étalant, divagant, se perdant, elle ne rencontre comme eux que des flots ; puis, au fond, il est vrai, tout au fond, là-bas, dans l’horizon des rêves, la vague Amérique, peut-être des îles sans nom, quelque pays à fruits rouges, à colibris et à sauvages, ou le crépuscule muet des pôles, avec le jet d’eau des baleines qui soufflent, ou les grandes villes éclairées de verres de couleur, le Japon aux toits de porcelaine, la Chine avec les escaliers à jour, dans des pagodes à clochettes d’or. C’est ainsi que l’esprit, pour rétrécir cet infini dont il se lasse sans cesse, le peuple et l’anime. On ne songe pas au désert sans les caravanes, à l’Océan sans les vaisseaux, au sein de la terre sans les trésors qu’on lui suppose. »C’est ce qu’écrivait Gustave Flaubert en 1847. C’est ce que je vous propose, ce lundi matin, avec cette photo de la pointe Saint-Mathieu, pour que vos vacances, ou au moins votre été, continuent avec un poète.  

Christophe Agnus 

Photo Christophe Agnus

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Le manchot indicateur

Ce petit manchot a l’air décidé, mais on ne sait pas trop pourquoi. Que signifie son aile ainsi déployée ? Veut-il nous interdire, l’accès à la banquise, qu’il tente de protéger à sa façon ? Nous indique-t-il une nouvelle direction à prendre ? 
Ou plus prosaïquement a-t-il été posé là par un chef manchot à galons lui ordonnant d’orienter la marche de ses congénères ? J’aime beaucoup cette image à la fois belle, simple et poétique, que m’a envoyée un abonné de la Photo de mer. Elle a été prise par son épouse. Peut-être alors l’oiseau voulait-il juste saluer ses visiteurs ? Ou leur demander de ne pas aller plus loin ? Une fois en Antarctique, de toute façon, difficile de continuer pendant longtemps. Quoique… Cette terre inhospitalière fascine les humains depuis qu’ils l’ont découverte. Depuis le XIXème siècle, des expéditions scientifiques s’y succèdent. Amundsen, Shackleton ou Charcot y sont devenus des héros. Scott et ses compagnons n’y ont pas survécu. Aujourd’hui, l’Institut polaire français Paul-Emile Victor y tient deux bases habitées à l’année. Sur place, les chercheurs étudient notamment ce dérèglement climatique qui sème le désordre sur tous les continents. Alors peut-être faut-il chercher une autre signification à ce geste étrange du petit manchot. Peut-être amorce-t-il un applaudissement pour les efforts fait pour comprendre, maîtriser puis ralentir le réchauffement qui menace aussi les siens ? Il n’a pour l’instant levé qu’un bras, et attend de constater nos progrès pour animer l’autre. Et, alors que les vacances commencent et que tout le monde rêve d’un bel avenir, j’ai très envie de voir à quoi ressemble un manchot qui applaudit. 

Christophe Agnus 

Photo Élise Le Boursicaud

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L’expérience inutile

L’homme apprend lentement. Avant de distribuer un médicament, il le teste par des protocoles complexes et lourds. Pour être sûr de faire plus de bien que de mal. Idem pour une simple voiture. Quand il s’agit du fond des océans, en revanche, il prend moins de précaution.31 permis d’exploitation couvrant 1,5 millions de km2 de fonds marins profonds ont été accordés par l’Autorité Internationale des fonds marins à des pays comme la Chine, la Corée, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et la Russie. Butin recherché :  cuivre, nickel, cobalt, zinc, thallium, or… Des minerais rares utiles à la fabrication de nos téléphones, ordinateurs, batteries et autres matériels électronique. Le risque ? Destruction des écosystèmes et de la biodiversité, contamination chimique de la colonne d’eau et donc de la chaîne alimentaire, libération du CO2 séquestré dans les sols océaniques depuis des millions d’années, perte de la fonction de puits de carbone… Le Président de la République des Palaos, en Micronésie, appelle à un moratoire le temps de comprendre les dommages environnementaux et sociaux. Le premier ministre des Fidji l’approuve : « Déstabiliser l’océan serait suicidaire. Il faut empêcher ces exploitations, privilégier la science et la protection ». Le 30 juin, à la surprise des environnementalistes, et alors que la France bénéficie de permis d’exploitation, Emmanuel Macron a déclaré lors de la visite de l’Oceanarium de Lisbonne : « Je pense que nous devons élaborer un cadre légal pour mettre un coup d’arrêt à l’exploitation minière des fonds en haute mer et ne pas autoriser de nouvelles activités qui mettraient en danger les écosystèmes». Mais la France est pour l’instant le seul grand pays sur cette position. Malheureusement.
Car on ne sait pas grand-chose de l’impact de ces gigantesques chantiers miniers. Alors la grande océanographe Sylvia Earle demande : « allons-nous vraiment prendre le risque de relâcher tout ce carbone, détruire la vie marine, pour créer des batteries dont la technologie sera considérée comme obsolète dans quelques années ? » Bonne question. Dont la réponse devrait être évidente si l’homme apprenait un peu plus vite. 

Christophe Agnus 

Photo du navire scientifique Thalassa par Olivier Dugornay, Mission AWA – Ifremer

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