Bal tragique en Atlantique nord

C’est un ballet pour les oiseaux de mer. Une danse à la fois coordonnée et déséquilibrée, les hommes tentant de contrôler un chalut pendant que la mer bouscule le navire et que les vagues menacent de remonter par la poupe grande ouverte. La nuit, le spectacle est magnifique. On finit par oublier que ces immenses chaluts livrent un combat assez inégal avec les poissons, victimes désignées de cette grande prédation des racleurs d’océan. A chaque trait, des dizaines de tonnes sont remontées du fond. Et une bonne partie, invendable ou hors quota, est rejetée, morte, à la mer. Si les grands fonds aux populations fragiles ne peuvent plus être visés, des navires usines continuent de prélever leur taxe sur la nature comme sur les hommes. Car le métier est dur, dangereux. En mer pendant des dizaines de jours, secoués parfois par des tempêtes épiques, les marins espèrent le poisson qui dopera leur paye tout en redoutant les interminables heures à l’usine, dans les entrailles du bateau, à nettoyer les prises et les découper en morceaux pour la congélation. Malgré la violence du travail et des éléments, malgré l’éloignement des familles, ils aiment ce métier où ils se sentent finalement libres, même bloqués sur un petit navire au milieu de l’océan. A terre, l’acheteur de poisson ou de surimi n’a, lui, aucune idée de cette réalité. « Alors, comme l’écrit Frédéric Brunnquell dans Hommes des tempêtes (Ed.Grasset), apprenez, consommateurs de surimis, que derrière vos bâtonnets se tient au milieu de l’océan un bal tragique, où des oiseaux, des marins, des mécaniciens et un capitaine jouent leur survie face aux forces liquides d’une planète restée sauvage ».

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Photo Christophe Agnus/www.nautilus.tf

Si Christophe Colomb voyait ça…

Regardez bien cette photo qui peut vous paraître très habituelle, une simple image de grand trimaran. Elle a été prise à l’arrivée de la transat Jacques Vabre, en Martinique. Regardez de plus près et notez un détail : la coque ne touche quasiment pas l’eau. Seuls les appendices (safrans, dérives, foils…) sont au contact de l’élément. Le reste vole. Il y a plus de 500 ans, Christophe Colomb avait mis 36 jours pour rejoindre les Canaries à la Caraïbe. Lors de la transat, les grands multicoques ont mis 16 jours pour, partant du Havre, dévaler l’Atlantique nord, doubler les Canaries, passer l’équateur, descendre la moitié de l’Atlantique Sud puis remonter jusqu’aux Antilles…  Et ce n’est pas fini. Dans quelques jours, un autre grand multicoque va s’élancer pour essayer de battre le record du tour du monde. Objectif : moins de 40 jours… Il y a un siècle, les plus rapides mettaient environ 60 jours pour faire Melbourne-Londres, et il fallait un auteur de fiction, Jules Verne, pour imaginer une boucle complète en 80 jours..

La créativité des hommes n’est limitée que par la physique. L’évolution des matériaux, l’informatique, les recherches météorologiques permettent aux marins et architectes d’oser au-delà des limites passées, tout en tentant de ne pas dépasser les bornes du moment (n’oublions pas qu’il y a des humains à bord, le premier souci reste d’arriver à rejoindre le port). Un respect plus grand de l’environnement et une plus faible empreinte carbone pourraient aussi, demain, devenir des impératifs à prendre en compte, et peut-être freiner certains développements. A moins que, au contraire, comme disait Georges Brassens,  « la contrainte stimule l’imagination » ?

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Photo Jean-Marie Liot / Alea

Quand les photographes rendent justice…

Il y  a une sorte d’injustice dans la littérature maritime. Une disproportion étonnante. On trouve des milliers de textes qui parlent de la mer et des marins. Mais combien pour le monde sous-marin ? Pléthore de chefs d’œuvres pour évoquer les tempêtes, les pêcheurs, les cap-horniers ou les îles du sud. Combien sur les gorgones, les étoiles de mer, les coraux ou les méduses ? Les lettres se sont avant tout passionnées pour les quelques mètres au-dessus de la surface, là où l’humain s’épanche. Mais le reste ? Là où la nature se déploie ? Quand on pense que les fonds marins atteignent les 11 000 mètres, et que la profondeur moyenne des océans du globe ( soit 72% de notre planète…) est de 3 800 mètres, on peut parler d’injustice… Heureusement, il y a les photographes. Pour qui la mer est souvent un tout : dessous, dessus. Rares sont les palanquées de plongeurs sans appareils photo (notez le pluriel). Leurs images, comme celle d’Henri Eskenazi ci-dessus, montrent vraiment l’incroyable beauté et richesse des fonds car elles sont… en couleur. Ceux qui ont dépassé la surface savent que les couleurs disparaissent avec la profondeur. L’eau absorbe graduellement la lumière venant des différentes ondes lumineuses et fait perdre leur éclat aux couleurs. Le rouge disparaît le premier, dès 5 à 10 mètres,. Puis c’est l’orange, le jaune et enfin le vert. A partir de 50 mètres, le plongeur sans torche ne voit plus que du bleu et des variantes de noir et blanc… Alors merci aux photographes de rendre justice aux habitants des fonds marins. Il ne reste plus, maintenant, qu’à trouver plus d’auteurs pour les raconter.

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Photo Henri ESKENAZI, www.henrieskenazi.com

La belle essentielle

C’est une jolie fille ronde, appelée Emiliania Huxleyi, à qui nous devons dire merci. Une demoiselle à la fois discrète, invisible à l’œil nu, et spectaculaire, repérable de l’espace, quand elle fait sa belle. Sur la photo, elle nous fait une démonstration XXL tellement formidable que les scientifiques lui ont donné un nom : un bloom. C’est-à-dire une floraison printanière. J’avais oublié de préciser : Emiliania est un coccolithophores. Un phytoplancton carbonaté. Une micro-plante de la mer. Mais pas n’importe laquelle : mademoiselle est richement dotée, question génétique. Quand les chercheurs ont réussi à cartographier son génôme, ils ont découvert que ce minuscule organisme unicellulaire avait 30% de gênes en plus que l’être humain ! Et la jeune fille est aussi une reine de l’adaptation : si on la trouve partout, une Emiliana Huxleyi d’un océan ne partage que 70 à 80% de son ADN avec sa sœur d’un autre océan. Le reste ? De quoi s’adapter… Deux humains, eux, ont 99% en commun.

Et si on doit lui dire merci, c’est qu’elle capte du CO2 pour se fabriquer une carapace calcaire toute en rondeur. Quand Emiliana meurt, sa coquille se désagrège et tombe au fond des océans pour faire du sable. Mais on en trouve aussi, sans doute projetée dans l’air par des vagues ou des bulles de surfaces,… dans les nuages. Elle y servirait de structure sur laquelle la vapeur se condenserait pour former les gouttelettes à l’origine des mêmes nuages.

Alors merci Emiliana, petite coccolithophore des océans et de l’atmosphère. Merci pour le C02 capturé comme les jolis nuages pourvoyeur de pluie. Et merci de décorer les océans de tes blooms aux formes et tailles qui font rêver.

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Photo Nasa & Alison R. Taylor 

Terres australes mais françaises

Pour beaucoup de marins, la mer n’a d’importance que pour la Terre. Celle qui s’écrit avec une lettre majuscule. Celle que l’on guette pendant les nuits de veille, dont on espère la sécurité et le réconfort autant qu’on en craint les parages mortels. Même et peut-être surtout quand ce bout de solide est au bout du monde, là où on attend rien, là où les vents sont violents, l’eau glacée et Neptune en colère. Kerguelen est de ces lieux à la fois magiques et terribles où flotte le drapeau français. En découvrant cet archipel du sud Pacifique, en février 1772, le Breton Yves Joseph de Kerguelen, seigneur de Trémarec et orgueilleux menteur, croit qu’il tient la gloire et la fortune. Sans même poser le pied à terre, il revient à la cour en urgence pour décrire une nouvelle France riche en pâturages et forêts. Le roi, enthousiaste, le félicite et lui confie une nouvelle mission à laquelle il ne s’attendait pas : installer une colonie sur ces îles si bien décrites… Le retour de la seconde expédition ne sera pas à la hauteur de la première : Kerguelen, convaincu de multiples manquements, dont le mensonge, sera condamné à  six ans de forteresse et la radiation de l’état des officiers du roi.

Les scientifiques qui, aujourd’hui, travaillent à Kerguelen savent que les êtres humains ne peuvent pas s’y installer vraiment. Et encore moins y développer des cultures et y produire de quoi vivre. Les seuls êtres capables d’y résider confortablement à l’année sont les manchots et les phoques. Eux ont tout compris. Ils partent en mer chercher leur pitance et reviennent à terre pour la sécurité et le réconfort. De vrais marins.

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 Photo Etienne Pauthenet

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